L’Australie se prononce contre un changement de constitution pour donner plus de pouvoir aux Aborigènes
Ce sont près de 18 millions d’Australiens qui se sont rendus aux urnes samedi 14 octobre pour voter par référendum. Le but de ce référendum était de se prononcer pour ou contre la reconnaissance dans la constitution du fait que les aborigènes furent les premiers habitants de l’Australie. Il s’agissait aussi de leur donner un plus grand pouvoir de décision. Le projet a d’ailleurs été baptisé The Voice.
À la grande déception du gouvernement travailliste actuel dirigé par Anthony Albanese, Les Australiens se sont prononcés contre à 60 %.
Et si les propos du Premier ministre se veulent fédérateurs, la campagne qui a précédé la diffusion des résultats a exacerbé les tensions et divisé le pays.
Dans cet article, nous revenons sur les enjeux de ce référendum et les implications pour le futur du pays.
Qu’est ce que le projet ‘’ The Voice ’’ ?
Le projet baptisé ” La Voix ” soit ‘’ The Voice ‘’ en anglais prévoyait, s’il était accepté, la création d’un conseil consultatif indépendant et permanent pour le peuple aborigène et insulaire du détroit de Torres.
Ces populations représentent 984 000 personnes, soit 3,8 % de la population australienne.
Cet organe aurait été chargé de se prononcer auprès du Parlement et du gouvernement australiens sur des questions qui ont un impact sur la vie des peuples aborigènes et du détroit de Torres. Cela aurait porté sur des sujets tels que l’éducation, la santé, le logement, la justice et d’autres politiques ayant un impact concret sur les peuples autochtones.
Si le référendum avait été adopté, les textes prévoyaient la mise en place d’un processus de concertation entre les communautés aborigènes et du détroit de Torres, le Parlement et le grand public pour définir les dispositions dans lesquelles le conseil consultatif aurait opéré.
Une législation visant à établir la création de cet organe spécifique aurait été soumise aux parlementaires pour garantir un examen méticuleux par les représentants élus des deux chambres du Parlement.
En clair, il s’agissait de mettre en œuvre un mécanisme de consultation directe des Aborigènes auprès du Parlement australien (qui est élu par tous les Australiens, y compris les Aborigènes). Celui-ci aurait permis de reconnaître les défis spécifiques aux populations aborigènes afin d’essayer d’y apporter des solutions qui auraient émané de ces dernières, plutôt que de décisions prises à leur place.
Vous trouverez plus d’informations sur le site officiel du gouvernement.
La campagne du referendum
D’abord majoritaire à travers le pays, le camp favorable au changement de constitution n’a cessé de perdre du terrain au cours des semaines précédant le vote. L’une des raisons majeures de cette perte de vitesse, est la campagne menée par le chef de l’opposition Peter Dutton.
L’ancien ministre de la Défense conservateur s’est, en effet, félicité du résultat.
Pendant la campagne, son parti avait axé sa communication sur les supposées divisions au sein de la société qu’un ‘’ oui ‘’ créerait.
De nombreux commentaires en ligne témoignent ainsi de la désinformation qui a circulé pendant toute la campagne avec certains internautes parlant d’un organe consultatif qui permettrait aux aborigènes de prendre le contrôle sur le pays ou qui obligerait les ‘’ blancs ’’ à payer pour vivre en Australie.
Les partisans du ‘’ oui ‘’ quant à eux espéraient que la reconnaissance des peuples autochtones comme premiers habitants dans la constitution et un plus grand pouvoir au sein du parlement permettrait de panser les plaies encore vives d’un passé colonial douloureux et de réduire les inégalités.
En effet, les peuples autochtones dont il est estimé qu’ils habitent les lieux depuis plus de 60 000 ans souffrent d’inégalités criantes. Avec une espérance de vie de huit ans inférieure à celle des Australiens, une mortalité infantile double, et un taux de suicide quatre fois supérieur, les peuples indigènes se sentent discriminés a 97 %.
C’est donc déçu que le soir de la défaite, le Premier ministre a reconnu que pour de nombreux aborigènes et insulaires du détroit de Torres cette campagne fut un fardeau lourd à porter. Avant d’ajouter que ce résultat sera très difficile à supporter.
Les partisans du ‘’ oui ‘’ parlent d’un ‘’ jour de honte ‘’ pour l’Australie.
Toutefois, l’un des aspects positifs de la campagne est que les différents débats ont permis de sensibiliser la population et notamment les nombreux immigrants aux problèmes rencontrés par les communautés indigènes.
Les sondages montrent un intérêt croissant d’une partie de la population au sujet des peuples autochtones à travers le pays.
De plus, même si le système éducatif australien retrace l’histoire de la colonisation, les peuples aborigènes et du détroit de Torres sont encore mal compris. Le référendum a ainsi permis de mettre en lumière l’importance de la culture aborigène pour le pays invitant de nombreux Australiens à en apprendre plus sur cette civilisation millénaire.
Retour historique sur la conquête de l’Australie
Le débarquement de James Cook dans la baie de Sydney en 1770 marqua le début de la conquête de l’Australie par les européens.
Cook, naviguant sur le navire HMS Endeavour revendiqua les terres de cette partie de l’Australie au nom du Royaume-Uni. Cette région est aujourd’hui connue sous le nom de Nouvelle-Galles du Sud.
Le navigateur continua ensuite son voyage vers le nord, explorant la Grande Barrière de Corail et revendiquant d’autres parties de la côte australienne.
En 1788, le capitaine Arthur Phillip dirigea la première flotte de colons britanniques vers la baie de Sydney. Cette flotte établit alors une colonie pénitentiaire à Port Jackson, qui deviendra plus tard la ville de Sydney. D’autres colonies pénitentiaires furent ensuite établies en Tasmanie (alors connue sous le nom de Terre de Van Diemen) et en Australie-Occidentale.
Les premiers colons européens eurent de nombreuses interactions avec les peuples aborigènes. Ces interactions étaient souvent marquées par des incompréhensions culturelles, des conflits et l’inexorable perte de terres pour les peuples autochtones.
Comme ce fut le cas dans de nombreuses régions du monde, les colons introduisirent également des maladies étrangères qui eurent des effets dévastateurs sur les populations aborigènes.
Dans les années qui suivirent l’arrivée de James Cook en Australie, de nombreux conflits éclatèrent entre les colons et les peuples autochtones qui souhaitaient récupérer leur terre. L’une des périodes les plus sombres de cette histoire est connue sous le nom de la ” guerre des guerres “. Cette dernière fut extrêmement meurtrière avec certains colons la qualifiant de guerre d’extermination.
En plus des nombreux massacres dont ils furent victimes, les peuples aborigènes furent expropriés de leurs terres. Ils virent également leurs modes de vie traditionnels perturbés.
Malheureusement, les répercussions de ces événements historiques continuent d’affecter les communautés aborigènes aujourd’hui, notamment en termes de revendications foncières, de droits culturels et sur les questions de réconciliation.
Le référendum s’inscrit donc dans la suite d’une histoire complexe qui mêle à la fois moments de coopération, et conflits aux effets dévastateurs.
Il avait été proposé afin d’œuvrer pour la réconciliation et la compréhension interculturelle.
Le Premier ministre a réaffirmé sa volonté de continuer à œuvrer pour le bien des peuples indigènes d’Australie et de continuer à promouvoir la reconnaissance du droit de ces peuples dans la constitution.
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